Conférence de François Guégan

Cygne noir - cygne vert - deux oiseaux de mauvais augure : tel était le thème de la conférence prononcée le vendredi 6 mai par François Guégan, et dont voici le résumé.

1.      Black Swan – Le cygne noir de Nassim Taïeb

En 2007, Nassim Taleb, chrétien orthodoxe libanais, élevé chez les bons pères de Beyrouth, trader à Wall Street, philosophe à ses heures, publie un ouvrage d’épistémologie (discipline qui étudie la manière dont se forment les connaissances). Son titre : Black Swan, le cygne noir[1]. D’après lui, la manière dont nous percevons le monde est faussée et repose sur trois biais cognitifs : a. Demain sera comme hier, b. Nous n’entendons, nous ne croyons que ce qui concorde avec nos convictions, aussi absurde cela soit-il, c. Les mêmes effets produisent les mêmes causes.

Il considère que cela nous laisse démunis face à ce qu’il appelle les Cygnes noirs, c’est-à-dire des événements qui a. Appartiennent à un autre univers mental qui se situe en-dehors de nos attentes, car rien dans le passé ne permet de concevoir leur existence, b. Ont un impact extrême, c. Pour lesquels nous construisons après coup des explications à leur survenue.

D’après lui, l’Histoire peut s’expliquer par ces Cygnes noirs. Il applique sa théorie aux marchés financiers et constate que 90% en valeur des variations de cours ont été générés lors de grandes crises qui ont engendré des variations massives des cours, ceux-ci se contentant d’évoluer lentement entre deux crises. La crise financière de 2008 (la faillite de Lehmann Brothers) confirme la justesse de ses thèses et son ouvrage devient une Bible dans les milieux économiques et financiers.

Nous avons deux exemples récents de Cygne noir : le COVID et l’invasion de l’Ukraineimprévisibles et qui ont eu des conséquences massives.

2.      Green Swan – Le cygne vert – Un rapport de la Banque des règlements internationaux (BRI)

La BRI (BIS en anglais) est l’un des quatre organismes financiers internationaux créés après la deuxième guerre mondiale. La BRI est la banque des banques centrales. Ses membres ? Le Président de la Réserve fédérale américaine, la Présidente de la Banque centrale européenne, les gouverneurs des banques centrales de tous les pays du monde. Bref tout sauf des activistes ou des excités.

La BIS (BRI) a émis début 2021 un rapport intitulé Green Swan, en référence évidemment à la thèse du Cygne noir. Ce rapport est consacré aux conséquences du réchauffement climatique sur la stabilité financière mondiale. Il a été rédigé sous l’égide du Gouverneur de la Banque de France.

Pour l’essentiel, il en ressort que le changement climatique, le cygne vert, est le défit le plus important auquel l’humanité ait jamais été confrontée. Il s’agit d’un nouveau type de risque systémique qui implique des dynamiques environnementales, sociales, économiques et géopolitiques non linéaires, intrinsèquement imprévisibles et qui interagissent. Les facteurs déclenchants : les points de bascule que l’on va franchir si nous continuons, par exemple la fonte de la calotte glaciaire de l’Antarctique ou l'augmentation des temperatures qui va rendre certaines contrées invivables et risque de jeter sur les routes de l’exode de deux à trois milliards d’individus.

Face à ces risques, ils appellant à des politiques publiques massives et évidemment à un changement des habitudes de vivre de chacun d’entre nous.

Un rapport téléchargeable sur Internet (taper BIS Green Swan), à lire 
 
[1] Le cygne noir fait référence à une satire d’un poète latin, Juvénal, qui écrit qu’un cygne noir ne peur pas exister, puisque l’on n’en a jamais observé. L’équivalent trivial est notre Quand les poules auront des dents ! Toujours est-il qu’en 1697, un navigateur hollandais aborde la côte occidentale de l’Australie et rencontre des cygnes noirs. Cela fait grand bruit en Europe : l’impossible existe !